A Paris le jour où Donald Trump a été élu Président des Etats-Unis

10 novembre 2016


Il pleut à fond lorsque je sors dans la nuit ce mercredi matin, protégé par mon parapluie new-yorkais, avec le mince espoir qu'au lever du jour, à mon arrivée à Paris, Trump ne sera pas Président. Cette journée s’annonce mal. Ce que confirme mon arrivée à la gare de Rouen. Le train de sept heures vingt-huit est annoncé avec trente minutes de retard pour une histoire d’aiguillage. J’obtiens du chef de bord de celui de sept heures douze, qui s’arrête dans toutes les gares intermédiaires, l’autorisation d’y grimper malgré mon billet Prem’s.
A l’arrivée, je reste à l’abri en prenant le métro Neuf et en descends à Bonne Nouvelle car j’ai deux livres lourds à livrer à proximité. Avant cela, je bois un café au premier bar venu et apprends que c’est foutu. Qui va chercher le peuple trouve la populace, me dis-je. Je serais mort de trouille si j’étais Ukrainien ou Balte, me dis-je encore.
Quand j’ai proposé à mon acheteur de lui remettre en mains propres (comme on dit) les livres qu’il m’a achetés, il m’a donné son adresse professionnelle, le siège social d’une grande banque et m’a précisé : « bien emballés ». En effet, il s’agit de The Complete Reprint Of John Willie's « Bizarre », une réédition Taschen en deux volumes de cette revue mythique consacrée au bondage et au sadomasochisme.
Assis dans un confortable fauteuil du rez-de-chaussée, je vois arriver à moi, descendu des étages, un homme qui assurément ressemble à un banquier. Je lui remets les livres bien emballés puis rejoins Bonne Nouvelle qui devrait ce matin être rebaptisé Bad News. J’y prends le Huit jusqu’à Ledru-Rollin et entre chez Book-Off.
Le premier livre à un euro que je trouve est Georges Bataille La Fascination du Mal de Pascal Louvrier (Editions du Rocher). Personne ne commente le résultat de l’élection américaine, mais globalement les gens que je côtoie sont d’humeur sombre. La pluie peut aussi expliquer cela.
Elle m’amène à reprendre le métro pour Beaubourg. Je visite rapidement l’exposition How to be Brave (in pictures)  de l’artiste indienne Anju Dodiya dans l’annexe de la Galerie Templon (des peintures inspirées des tapisseries médiévales ou des estampes japonaises), puis déjeune chez New New où parmi les habitués sont un pré-branlotin, sa mère et sa grand-mère qui se donne beaucoup de mal pour ressembler à sa fille.
-C’est ta maman ?
-Non, c’est la maman de ma maman.
-Waouh !
A la fin du repas, c’est la vieille qui paie. J’en fais autant puis ouvre à nouveau mon parapluie et cours au Centre Pompidou afin d’y voir l’exposition Magritte, La trahison des images.
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Ce mercredi à Paris : la fascination du mal, la trahison des images, comment faire preuve de courage. Ou encore, en deux mots : trempé et trumpé.