A Paris le jour des vingt-sept ans

4 mai 2022


Vingt-sept ans ce mardi que mon frère Jacques est mort à La Rochelle. Un triste anniversaire que, pour la raison de billets de train moins chers que le mercredi, je vais passer à Paris, ville dans laquelle il a vécu bien plus longtemps.
Dans le train de sept heures vingt-quatre, je lis Tous à l’ouest ! le sarcastique récit de voyage de S.J. Perelman publié au Dilettante : Par un heureux hasard, le troisième occupant de la cabine était mort la veille et nous jouîmes ainsi d’un relatif confort.
A l’arrivée, je monte dans un bus Vingt-Neuf qui semble avoir été sorti du rebut tant ses sièges sont crades et sa porte avant capricieuse. Peut-être est-ce la conséquence du retrait temporaire des bus électriques Bolloré dont deux ont récemment flambé.
Descendu à Bastille Beaumarchais, je marche jusqu’au Marché d’Aligre. Parmi les ouvrages à deux euros du seul vendeur de livres présent, trois m’intéressent mais leur saleté m’empêche de les acheter.
Après un café de comptoir au Faubourg, j’entre chez Book-Off à son ouverture. Rapidement, mon panier se remplit. C’est un jour d’abondance. Parmi mes trouvailles à un euro : Sur les traces d’Enayat Zayyat d’Iman Mersal (Sindbad Actes Sud), Leïlah Mahi 1932 enquête de Didier Blonde (Gallimard), Tubes – La philosophie dans le juke-box de Peter Szendy (Editions de Minuit), Voyeur de première (c’est Gainsbourg) de Frank Maubert (Mentha), Testament – Entretiens avec Dominique de Roux de Witold Gombrowicz (Folio Essais), Crimes exemplaires de Max Aub (Phébus libretto), Paris point du jour de Marc Alyn (Bartillat), A mes ennemis ce poignard de Liam O’Flaherty (Anatolia Le Rocher) et Les Grandes Mémoires – Résumé d’une enquête sur les joueurs d’échecs d’Alfred Binet suivi de La Stratégie de Marcel Duchamp par Pascal Rousseau (Editions VillaRrose). Une inscription manuscrite indique que ce dernier avait été donné (à qui ?) par Jean de Loisy qu’il est loisible d’écouter chaque dimanche sur France Culture.
A midi moins le quart, je vais déjeuner à côté au Péhemmu chinois où une gentille serveuse intérimaire s’occupe de moi et de mon habituel confit de canard, lequel a augmenté d’un euro (suite à la grippe aviaire peut-être). Bientôt s’installent à la table voisine le responsable et deux employées de Book-Off. C’est la première fois que je les vois manger ici. Elles et lui parlent un peu boulot. Je suppose que ma présence les empêche de tout se dire.
Après leur avoir souhaité une bonne après-midi, je rejoins la Bastille et pour la première fois utilise les marches qui maintenant mènent directement au Port de l’Arsenal. Près d’icelles, Droit au Logement a installé des tentes revendicatives.
Toute une jeunesse est en pause méridienne en face des bateaux. Je trouve une place entre deux groupes pour reprendre ma lecture du jour. Autour de moi si la nourriture est saine, la conversation est superficielle.
Rien ne permet d’identifier le vieux bus qui s’arrête devant l’Opéra à l’arrêt du Vingt-Neuf où j’attends. C’est la conductrice qui crie son numéro quand elle ouvre les portes. Il m’emmène à l’autre Opéra.
Dans le Book-Off de Quatre Septembre je fais face à la rareté. Parmi les ouvrages à un euro je ne trouve pour me plaire que La double réfraction du spath d’Islande (quarante-trois nouvelles et textes autobiographiques inédits ou parus en revue, imprimés sur papier bleu) de Béatrix Beck (Editions du Chemin de Fer), Fête nationale et autres poèmes de Laurent Tailhade (Cahiers Rouges Grasset) et L’obsédé textuel de Roland Bacri (Idée fixe Julliard).
Après cette exploration décevante, je bois un café à deux euros cinquante à la terrasse du Bistrot d’Edmond et jusqu’à ce qu’il soit l’heure de rejoindre Saint-Lazare y lis Tous à l’ouest !: Dès l’instant où nous sonnâmes à leur porte, un carillon se mit à jouer Frère Jacques – des vendeurs de carillons de porte Frère Jacques avaient dû écumer Beverly Hills à bicyclette car pas moins de neuf maisons que nous fréquentâmes en étaient équipées.
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Piochés dans Poèmes et chansons pour la madone de cuir de Jacques Perdrial (Editions Didier-Michel Bidard) :
ce qui est vrai n’est pas forcément faux
heureusement qu’il ne pleut pas, parce que s’il pleuvait, il pleuvrait.