Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
17 mars 2021
Pour Korneï Tchoukovski, les ennuis sont de retour au tournant des années soixante, rapport à Boris Pasternak qui reçoit le Prix Nobel de Littérature pour son roman Le Docteur Jivago publié d’abord en Occident puis clandestinement en Union Soviétique. Témoin ce qu’il en dit dans le volume deux de son Journal publié chez Fayard :
Trois décembre mil neuf cent cinquante-huit : J’ai passé tout le mois de novembre à souffrir de la « maladie de Pasternak ». On m’a mis en demeure de donner des explications ; les autorités voulaient savoir comment j’avais osé féliciter le « criminel ! »
Vingt-sept janvier mil neuf cent cinquante-neuf : Pasternak est venu hier, mais je dormais. Il doit revenir aujourd’hui entre une heure et deux heures. Il paraît qu’il a besoin de conseils. Mais quels conseils puis-je lui donner, moi qui suis malade, à bout de forces, anéanti par les insomnies.
Vingt-trois mai mil neuf cent soixante : Pasternak est malade. Hier j’ai eu la visite de Valentin Ferdinandovitch Asmous. Il va voir Pasternak trois fois par jour, discute avec les docteurs. Il m’a démontré de façon presque mathématique que sauf miracle, Pasternak était condamné.
Trente et un mai mil neuf cent soixante : Lida est arrivée avec une nouvelle terrible : « Pasternak est mort. » A une heure et quart. (…)
Je me souviens de la blessure que ce fut pour lui de voir que personne ne le connaissait dans la chambre d’hôpital où on l’avait placé – lui, le premier poète d’URSS.
Seize juin mil neuf cent soixante : Quand on a demandé à Stein (Alexandre) pourquoi il n’avait pas assisté aux obsèques de Pasternak, il a dit : « J’ai pour règle de ne pas participer aux manifestations antigouvernementales. »
Trois décembre mil neuf cent cinquante-huit : J’ai passé tout le mois de novembre à souffrir de la « maladie de Pasternak ». On m’a mis en demeure de donner des explications ; les autorités voulaient savoir comment j’avais osé féliciter le « criminel ! »
Vingt-sept janvier mil neuf cent cinquante-neuf : Pasternak est venu hier, mais je dormais. Il doit revenir aujourd’hui entre une heure et deux heures. Il paraît qu’il a besoin de conseils. Mais quels conseils puis-je lui donner, moi qui suis malade, à bout de forces, anéanti par les insomnies.
Vingt-trois mai mil neuf cent soixante : Pasternak est malade. Hier j’ai eu la visite de Valentin Ferdinandovitch Asmous. Il va voir Pasternak trois fois par jour, discute avec les docteurs. Il m’a démontré de façon presque mathématique que sauf miracle, Pasternak était condamné.
Trente et un mai mil neuf cent soixante : Lida est arrivée avec une nouvelle terrible : « Pasternak est mort. » A une heure et quart. (…)
Je me souviens de la blessure que ce fut pour lui de voir que personne ne le connaissait dans la chambre d’hôpital où on l’avait placé – lui, le premier poète d’URSS.
Seize juin mil neuf cent soixante : Quand on a demandé à Stein (Alexandre) pourquoi il n’avait pas assisté aux obsèques de Pasternak, il a dit : « J’ai pour règle de ne pas participer aux manifestations antigouvernementales. »
16 mars 2021
Ce dimanche matin, vers neuf heures et demie, j’aperçois dans le jardin l’infirmière qui vient quotidiennement donner des médicaments à ma voisine de premier étage. Elle est en compagnie d’une pompière et de deux pompiers. Ces derniers ressortent.
Je vais voir les deux femmes. L’infirmière me dit qu’elle a sonné et que ça ne répond pas. Je leur dis que j’ai vu cette dame hier, sortir et rentrer juste avant le couvre-feu, puis je leur explique qu’au moins deux fois déjà les pompiers sont entrés en cassant un carreau et l’on trouvée endormie.
Quand les deux hommes reviennent avec une échelle, je rentre chez moi. Ils l’appuient contre le mur près de la fenêtre habituelle. Sans même prendre le temps de taper au carreau pour voir si la femme se réveille, celui qui y a grimpé casse une vitre avec un objet adéquat.
Après avoir ouvert la fenêtre, il n’entre pas. C’est donc qu’avec l’aide de ce réveille-matin, ma voisine s’est réveillée. La pompière et les pompiers repartent. L’infirmière va pouvoir donner ses médicaments.
*
Il court il court le variant anglais, avec dans ses poches le variant sud-africain et le variant brésilien. Derrière lui s’essoufflent Pfizer, Moderna et le boiteux AstraZeneca.
Ce lundi après-midi, soucieux de faire comme l’Allemagne et de toujours répondre aux rebondissements de la « crise sanitaire » par la panique, Macron décide de faire un croche-patte au boiteux.
Je vais voir les deux femmes. L’infirmière me dit qu’elle a sonné et que ça ne répond pas. Je leur dis que j’ai vu cette dame hier, sortir et rentrer juste avant le couvre-feu, puis je leur explique qu’au moins deux fois déjà les pompiers sont entrés en cassant un carreau et l’on trouvée endormie.
Quand les deux hommes reviennent avec une échelle, je rentre chez moi. Ils l’appuient contre le mur près de la fenêtre habituelle. Sans même prendre le temps de taper au carreau pour voir si la femme se réveille, celui qui y a grimpé casse une vitre avec un objet adéquat.
Après avoir ouvert la fenêtre, il n’entre pas. C’est donc qu’avec l’aide de ce réveille-matin, ma voisine s’est réveillée. La pompière et les pompiers repartent. L’infirmière va pouvoir donner ses médicaments.
*
Il court il court le variant anglais, avec dans ses poches le variant sud-africain et le variant brésilien. Derrière lui s’essoufflent Pfizer, Moderna et le boiteux AstraZeneca.
Ce lundi après-midi, soucieux de faire comme l’Allemagne et de toujours répondre aux rebondissements de la « crise sanitaire » par la panique, Macron décide de faire un croche-patte au boiteux.
15 mars 2021
Un samedi sans pouvoir ouïr le concert de carillon depuis le banc du jardin, on va de giboulée en giboulée. Pendant celle de dix-neuf heures trente soudain retentit un violent coup de tonnerre. Je me précipite dans ma chambre pour débrancher box et ordinateur. Pour rien, car seul, en écho, un lointain deuxième coup se fait entendre.
Cette semaine va marquer l’anniversaire d’un autre coup de tonnerre, celui de l’annonce du premier confinement. Un évènement que même dans mes délires les plus paranoïaques je n’avais jamais envisagé.
Un an bientôt que « nous sommes en guerre ». L’Occupant est partout. Le Débarquement a bien eu lieu, d’abord les Américains avec Pfizer et Moderna puis les Anglais avec le boiteux AstraZeneca, mais la Libération n’est pas pour demain.
Je me souviens de celles et ceux qui pensaient que ce serait une affaire de quelques mois. Depuis le début, je l’ai écrit, j’étais persuadé que cette guerre durerait bien plus longtemps qu’espéré, comme les deux précédentes.
*
Si ça se fait ailleurs, faisons-le aussi à Rouen. Depuis vendredi dernier, des intermittent(e)s du spectacle occupent le Théâtre des Deux Rives. Sur leur banderole : « Culture.s en colère ». Ce point pluriel est symptomatique.
*
Une femme peut elle être aussi vulgaire qu’un homme ? Oui, bien sûr. En témoigne la dernière « Cérémonie des César ». Pas de quoi me redonner envie d’aller au cinéma.
*
Peut-être me serais-je décidé à aller au rassemblement antinucléaire rouennais des dix ans de la catastrophe de Fuck You Shima, ce samedi après-midi sur le parvis de la Cathédrale, mais je n’ai appris son existence que le soir venu, en découvrant la centaine de présent(e)s à la télévision régionale. Le potentiel candidat écolo à la Présidentielle, Eric Piolle, Maire de Grenoble, avait fait le déplacement. Faut se faire connaître.
*
Qui nous débarrassera de l’omniprésence des notions de bienveillance et de résilience ?
Cette semaine va marquer l’anniversaire d’un autre coup de tonnerre, celui de l’annonce du premier confinement. Un évènement que même dans mes délires les plus paranoïaques je n’avais jamais envisagé.
Un an bientôt que « nous sommes en guerre ». L’Occupant est partout. Le Débarquement a bien eu lieu, d’abord les Américains avec Pfizer et Moderna puis les Anglais avec le boiteux AstraZeneca, mais la Libération n’est pas pour demain.
Je me souviens de celles et ceux qui pensaient que ce serait une affaire de quelques mois. Depuis le début, je l’ai écrit, j’étais persuadé que cette guerre durerait bien plus longtemps qu’espéré, comme les deux précédentes.
*
Si ça se fait ailleurs, faisons-le aussi à Rouen. Depuis vendredi dernier, des intermittent(e)s du spectacle occupent le Théâtre des Deux Rives. Sur leur banderole : « Culture.s en colère ». Ce point pluriel est symptomatique.
*
Une femme peut elle être aussi vulgaire qu’un homme ? Oui, bien sûr. En témoigne la dernière « Cérémonie des César ». Pas de quoi me redonner envie d’aller au cinéma.
*
Peut-être me serais-je décidé à aller au rassemblement antinucléaire rouennais des dix ans de la catastrophe de Fuck You Shima, ce samedi après-midi sur le parvis de la Cathédrale, mais je n’ai appris son existence que le soir venu, en découvrant la centaine de présent(e)s à la télévision régionale. Le potentiel candidat écolo à la Présidentielle, Eric Piolle, Maire de Grenoble, avait fait le déplacement. Faut se faire connaître.
*
Qui nous débarrassera de l’omniprésence des notions de bienveillance et de résilience ?
13 mars 2021
Staline mort, Tchoukovski est un peu revigoré mais cela ne dure guère. En témoignent ces extraits de son Journal publié chez Fayard :
Quatre mars mil neuf cent cinquante-six : La galerie Trétiakov a remisé dans les sous-sols tous les tableaux représentant Staline. L’académie militaire Frounzé voulait en faire autant avec son buste, mais impossible : trop lourd. Alors les ouvriers sont venus le concasser, et ils l’ont emporté par morceaux.
Sept mars mil neuf cent cinquante-sept : Je reviens à Faulkner ; il est parfois verbeux, invraisemblable, mais c’est un merveilleux psychologue, qui enregistre magnifiquement les actes secrets, inconscients des gens. Et en plus « il n’y a pas de coupables » chez lui.
Vingt-sept mai mil neuf cent cinquante-sept : Ma vie est pleine d’évènements que je n’ai pas notés dans ce cahier. La disparition de dizaines de mes cahiers m’a ôté l’envie de tenir un journal. L’un de ces évènements, c’est par exemple que le 30 mars on a fêté mes soixante-quinze ans ! (…) J’ai été étonné par toutes les gentillesses et marques de tendresse qu’on ma prodiguées par la quantité et la qualité des messages. (…)
Le second évènement, c’est que j’ai été décoré au Kremlin de l’ordre de Lénine – en même temps que Nikita Khrouchtchev. (…)
Khrouchtchev m’a dit : « Je vois enfin le scélérat, celui à qui je dois tant de mes tourments. Si vous saviez toutes les fois où je suis obligé de lire vos histoires à mes petits enfants ! ».
Sept décembre mil neuf cent cinquante-sept : Nos rencontres entre écrivains sont à vomir. Personne ne parle de ce qui lui tient à cœur. On rit beaucoup – c’est comme le festin pendant la peste –, on raconte des blagues, bref, on évite toute discussion un tant soit peu sérieuse.
Dix-sept février mil neuf cent cinquante-huit : La bibliothèque me désespère. J’y ai mis tout mon cœur, j’en ai pris soin comme d’un beau jouet, je lui ai consacré des sommes énormes – presque tout ce que j’avais, et je n’avais pas tant que ça. Mais les enfants me paraissent aussi grossiers, obtus et ternes que leurs parents.
Vingt-trois mai mil neuf cent cinquante-huit : Je lis la correspondance de Blok et Biély. Biély est vaniteux, vain, hystérique, prétentieux, sans retenue. Blok est calme et radieux, bien qu’il ait lui aussi ses moments de trouble, d’hésitation, de mollesse.
Quatre mars mil neuf cent cinquante-six : La galerie Trétiakov a remisé dans les sous-sols tous les tableaux représentant Staline. L’académie militaire Frounzé voulait en faire autant avec son buste, mais impossible : trop lourd. Alors les ouvriers sont venus le concasser, et ils l’ont emporté par morceaux.
Sept mars mil neuf cent cinquante-sept : Je reviens à Faulkner ; il est parfois verbeux, invraisemblable, mais c’est un merveilleux psychologue, qui enregistre magnifiquement les actes secrets, inconscients des gens. Et en plus « il n’y a pas de coupables » chez lui.
Vingt-sept mai mil neuf cent cinquante-sept : Ma vie est pleine d’évènements que je n’ai pas notés dans ce cahier. La disparition de dizaines de mes cahiers m’a ôté l’envie de tenir un journal. L’un de ces évènements, c’est par exemple que le 30 mars on a fêté mes soixante-quinze ans ! (…) J’ai été étonné par toutes les gentillesses et marques de tendresse qu’on ma prodiguées par la quantité et la qualité des messages. (…)
Le second évènement, c’est que j’ai été décoré au Kremlin de l’ordre de Lénine – en même temps que Nikita Khrouchtchev. (…)
Khrouchtchev m’a dit : « Je vois enfin le scélérat, celui à qui je dois tant de mes tourments. Si vous saviez toutes les fois où je suis obligé de lire vos histoires à mes petits enfants ! ».
Sept décembre mil neuf cent cinquante-sept : Nos rencontres entre écrivains sont à vomir. Personne ne parle de ce qui lui tient à cœur. On rit beaucoup – c’est comme le festin pendant la peste –, on raconte des blagues, bref, on évite toute discussion un tant soit peu sérieuse.
Dix-sept février mil neuf cent cinquante-huit : La bibliothèque me désespère. J’y ai mis tout mon cœur, j’en ai pris soin comme d’un beau jouet, je lui ai consacré des sommes énormes – presque tout ce que j’avais, et je n’avais pas tant que ça. Mais les enfants me paraissent aussi grossiers, obtus et ternes que leurs parents.
Vingt-trois mai mil neuf cent cinquante-huit : Je lis la correspondance de Blok et Biély. Biély est vaniteux, vain, hystérique, prétentieux, sans retenue. Blok est calme et radieux, bien qu’il ait lui aussi ses moments de trouble, d’hésitation, de mollesse.
12 mars 2021
En ce mois de mars deux mille vingt et un, le temps est de plus en plus malsain. Toujours coronavicié, avec une actualité allant de polémique en polémique, sur fond de la menace du résultat du second tour de la prochaine Présidentielle.
Le Pen est de plus en plus donnée gagnante possible contre Macron. Elle a pour elle Mélenchon et ses affidés qui ne feront pas barrage (on n’est pas des castors). Pas seulement eux, d’autres électeurs de gauche jurent qu’ils s’abstiendront, et certains même qu’ils voteront carrément pour elle.
Le rassurant, c’est qu’élue, elle n’aurait jamais le nombre nécessaire de députés de son parti pour gouverner. Elle devrait cohabiter avec la Droite, la macroniste ou l’autre.
Bien malin qui peut deviner à coup sûr qui sera au second tour. Il n’est pas exclu que le candidat de la Droite se faufile entre les deux cités. Surtout si certains se débrouillent pour qu’un deuxième candidat d’extrême droite y aille (un chroniqueur du Figaro par exemple).
Pour la Gauche, c’est cuit. Sauf si Mélenchon trop honteux du score à lui promis trouve une excuse pour ne pas aller au bout.
*
Voici que le Danemark, l’Islande et la Norvège suspendent la vaccination avec AstraZeneca en raison d’un risque de thrombose. Une infirmière vaccinée en est morte en Autriche. Pour l’instant, on ne sait pas s’il y a un lien de cause à effet. Ma seconde injection de ce vaccin est prévue le sept mai. Pourvu que je ne me fasse pas astrazeniqué.
*
Combien ils auraient été malins les Communistes de l’époque du rideau de fer, pour clouer le bec à leurs contradicteurs, de les accuser de communistophobie.
*
Lorsque j’ai vu à la télévision, la jeune Afro-Américaine (comme on dit) Amanda Gorman dire son poème The Hill We Climb le jour de l’investiture de Joe Biden, poème sous-titré en français (on ne sait par qui), je n’ai pas aimé sa littérature en forme de tract politique mais, oserai-je le dire, je l’ai trouvée fort jolie.
Aux Pays-Bas, la jeune femme blonde, et en Catalogne, l’homme blanc, qui devaient traduire son poème ont été récusés en raison de leur couleur de peau.
En France, tout est okay, le poème sera traduit par l’auteure-compositrice-interprète, rappeuse et mannequin belgo-congolaise Lous and the Yakuza.
*
Dehors le vent souffle fort. De plus en plus souvent, dans ce Journal, je pratique l’autocensure.
Le Pen est de plus en plus donnée gagnante possible contre Macron. Elle a pour elle Mélenchon et ses affidés qui ne feront pas barrage (on n’est pas des castors). Pas seulement eux, d’autres électeurs de gauche jurent qu’ils s’abstiendront, et certains même qu’ils voteront carrément pour elle.
Le rassurant, c’est qu’élue, elle n’aurait jamais le nombre nécessaire de députés de son parti pour gouverner. Elle devrait cohabiter avec la Droite, la macroniste ou l’autre.
Bien malin qui peut deviner à coup sûr qui sera au second tour. Il n’est pas exclu que le candidat de la Droite se faufile entre les deux cités. Surtout si certains se débrouillent pour qu’un deuxième candidat d’extrême droite y aille (un chroniqueur du Figaro par exemple).
Pour la Gauche, c’est cuit. Sauf si Mélenchon trop honteux du score à lui promis trouve une excuse pour ne pas aller au bout.
*
Voici que le Danemark, l’Islande et la Norvège suspendent la vaccination avec AstraZeneca en raison d’un risque de thrombose. Une infirmière vaccinée en est morte en Autriche. Pour l’instant, on ne sait pas s’il y a un lien de cause à effet. Ma seconde injection de ce vaccin est prévue le sept mai. Pourvu que je ne me fasse pas astrazeniqué.
*
Combien ils auraient été malins les Communistes de l’époque du rideau de fer, pour clouer le bec à leurs contradicteurs, de les accuser de communistophobie.
*
Lorsque j’ai vu à la télévision, la jeune Afro-Américaine (comme on dit) Amanda Gorman dire son poème The Hill We Climb le jour de l’investiture de Joe Biden, poème sous-titré en français (on ne sait par qui), je n’ai pas aimé sa littérature en forme de tract politique mais, oserai-je le dire, je l’ai trouvée fort jolie.
Aux Pays-Bas, la jeune femme blonde, et en Catalogne, l’homme blanc, qui devaient traduire son poème ont été récusés en raison de leur couleur de peau.
En France, tout est okay, le poème sera traduit par l’auteure-compositrice-interprète, rappeuse et mannequin belgo-congolaise Lous and the Yakuza.
*
Dehors le vent souffle fort. De plus en plus souvent, dans ce Journal, je pratique l’autocensure.
11 mars 2021
Bêtas, minables, ânes, goujats, imbéciles, pourris, menteurs, ratés, arrivistes, tels sont les qualificatifs que donne aux dirigeants staliniens et à leurs soutiens Korneï Tchoukovski dans son Journal publié chez Fayard. Nous sommes au début des années cinquante, époque à laquelle je fréquente l’école maternelle Jean Zay, route de Pacy, à Louviers.
Huit mars mil neuf cent cinquante-quatre : C’est la première fois que je revois Anna Akhmatova depuis sa disgrâce. Cheveux blancs, calme, ample, très simple. A cent lieux de la poétesse à frange bien coupée, raffinée, maigre, timide et en même temps hautaine que m’avait présentée Goumiliov en 1912, c’est-à-dire il y a quarante-deux ans. Elle parle de son malheur calmement, avec humour. « J’ai connu la gloire, j’ai éprouvé l’infamie. Finalement, je me rends compte qu’il n’y a pas de différence entre les deux. »
Vingt et un mars mil neuf cent cinquante-quatre : J’apprends que ce bêta de Virta a fait construire sa maison non loin de l’église où son père était pope… et où il a été fusillé. Il a demandé aux autorités locales de bien vouloir déplacer le cimetière où est enterré son père et de l’installer à bonne distance de son domicile car, a-t-il dit, la vue de ce cimetière « lui porte sur les nerfs ». Il a fait installer des fenêtres à triple vitrage, car il ne veut pas entendre le meuglement des vaches qu’il décrit dans ses œuvres… C’est Fédine qui m’a raconté tout cela ce soir, au cours de la promenade que je lui ai presque imposée.
Onze mars mil neuf cent cinquante-cinq : Alexandrov, le ministre de la Culture, a été surpris en galante compagnie, et avec lui Pétrov, Kroujkov et (paraît-il) Egoline. Il paraît que Pétrov profitait de ses fonctions de directeur de l’Institut de littérature pour alimenter les orgies d’Alexandrov en jeunes étudiantes. (…) Pourtant, le plus grave n’est pas là. Le plus grave, c’est que c’est un minable, un âne, un goujat, un imbécile grossier et mesquin (…)
J’ai eu la visite de Nicolas. Il m’a appris que Sourov avait profité des persécutions à l’encontre des cosmopolites pour intimider deux Juifs et les obliger à écrire des pièces pour lui – pièces qui lui ont valu deux prix Staline ! Triomphe des pourris, des menteurs, des ratés, des arrivistes.
Treize décembre mil neuf cent cinquante-cinq : Pour préparer mon allocution, j’ai relu mon vieux livre sur Blok et j’ai constaté avec tristesse qu’il avait été entièrement dépouillé, plagié, pillé par les spécialistes actuels de Blok, en premier lieu par Vladimir Orlov. A l’époque chaque mot de ce livre était nouveau, chaque idée était neuve. Mais comme mon livre a été interdit, les opportunistes ont eu tout loisir de s’en approprier les découvertes. Et aujourd’hui, ma primauté en la matière est complétement passée sous silence.
Deux janvier mil neuf cent cinquante-six : Je laisse couler ma vie dans l’hébétude. Je ne fais rien. Tout me tombe des mains. A soixante-quatorze ans, avec la mort qui m’attend demain ou après-demain, je ne vois pas ce que je peux faire ou vouloir. Ma solitude est totale. Hier c’était le nouvel an ; je n’ai vu personne.
Huit mars mil neuf cent cinquante-quatre : C’est la première fois que je revois Anna Akhmatova depuis sa disgrâce. Cheveux blancs, calme, ample, très simple. A cent lieux de la poétesse à frange bien coupée, raffinée, maigre, timide et en même temps hautaine que m’avait présentée Goumiliov en 1912, c’est-à-dire il y a quarante-deux ans. Elle parle de son malheur calmement, avec humour. « J’ai connu la gloire, j’ai éprouvé l’infamie. Finalement, je me rends compte qu’il n’y a pas de différence entre les deux. »
Vingt et un mars mil neuf cent cinquante-quatre : J’apprends que ce bêta de Virta a fait construire sa maison non loin de l’église où son père était pope… et où il a été fusillé. Il a demandé aux autorités locales de bien vouloir déplacer le cimetière où est enterré son père et de l’installer à bonne distance de son domicile car, a-t-il dit, la vue de ce cimetière « lui porte sur les nerfs ». Il a fait installer des fenêtres à triple vitrage, car il ne veut pas entendre le meuglement des vaches qu’il décrit dans ses œuvres… C’est Fédine qui m’a raconté tout cela ce soir, au cours de la promenade que je lui ai presque imposée.
Onze mars mil neuf cent cinquante-cinq : Alexandrov, le ministre de la Culture, a été surpris en galante compagnie, et avec lui Pétrov, Kroujkov et (paraît-il) Egoline. Il paraît que Pétrov profitait de ses fonctions de directeur de l’Institut de littérature pour alimenter les orgies d’Alexandrov en jeunes étudiantes. (…) Pourtant, le plus grave n’est pas là. Le plus grave, c’est que c’est un minable, un âne, un goujat, un imbécile grossier et mesquin (…)
J’ai eu la visite de Nicolas. Il m’a appris que Sourov avait profité des persécutions à l’encontre des cosmopolites pour intimider deux Juifs et les obliger à écrire des pièces pour lui – pièces qui lui ont valu deux prix Staline ! Triomphe des pourris, des menteurs, des ratés, des arrivistes.
Treize décembre mil neuf cent cinquante-cinq : Pour préparer mon allocution, j’ai relu mon vieux livre sur Blok et j’ai constaté avec tristesse qu’il avait été entièrement dépouillé, plagié, pillé par les spécialistes actuels de Blok, en premier lieu par Vladimir Orlov. A l’époque chaque mot de ce livre était nouveau, chaque idée était neuve. Mais comme mon livre a été interdit, les opportunistes ont eu tout loisir de s’en approprier les découvertes. Et aujourd’hui, ma primauté en la matière est complétement passée sous silence.
Deux janvier mil neuf cent cinquante-six : Je laisse couler ma vie dans l’hébétude. Je ne fais rien. Tout me tombe des mains. A soixante-quatorze ans, avec la mort qui m’attend demain ou après-demain, je ne vois pas ce que je peux faire ou vouloir. Ma solitude est totale. Hier c’était le nouvel an ; je n’ai vu personne.
10 mars 2021
Korneï Tchoukovski l’a constaté bien avant moi, pas facile d’avoir soixante-dix ans, avec pour lui en circonstance aggravante, le stalinisme. Quelques extraits de son Journal publié chez Fayard:
Cinq septembre mil neuf cent quarante-six : A propos de la pièce de Grossman que la Pravda assassine, Léonov me dit : « Grossman manque d’expérience. Il aurait dû mettre ses idées les plus chères dans la bouche d’un idiot, d’un crétin reconnu comme tel. Si on lui avait fait des reproches, il aurait pu dire : « Mais ce sont les paroles d’un imbécile ! »
Dix-sept mars mil neuf cent quarante-sept : La Gazette littéraire a récemment rendu compte d’une réunion d’écrivains pour enfants où je me trouvais. Voici la liste des participants telle que la donne le journal : Marchak, Mikhalkov, Barto, Kassil et d’autres. Les « autres », c’est moi.
Premier janvier mil neuf cent quarante-huit : Comme les Editions enfantines me laissent sans le sou, j’ai accepté de me montrer aux sapins de nouvel an pour compléter un peu mes fins de moi. Dire que j’ai soixante-six ans ! J’aurais pourtant bien le droit de prendre du repos. Dieu, que je hais cette vie tragique et misérable !
Douze avril mil neuf cent cinquante : Nous avons enterré aujourd’hui Adouïev. Son cercueil était couvert de fleurs. Son visage était tel qu’en lui-même – le visage du moqueur et du raté.
Nuit du premier avril mil neuf cent cinquante-deux, minuit pile : J’ai soixante-dix ans. J’ai l’âme aussi sereine qu’un mort. J’ai derrière moi cinquante années de bagne, de ratage, d’incompétence, de galère, des milliers d’échecs, d’erreurs et de faux pas. L’amour a été chiche avec moi. Je n’ai pas un ami, personne de proche. Lida s’efforce de m’aimer et croit qu’elle m’aime. Mais elle ne m’aime pas. Nicolas, qui a un naturel poétique, est plein de pitié pour moi, mais au bout de deux minutes il s’ennuie avec moi, et il a sans doute raison… Lioucha… Mais depuis quand les jeunes filles de vingt ans se plaisent-elles avec leur grand-père ? On ne trouve ça que chez Dickens et dans les mélodrames. Un grand-père, c’est quelque chose qui ne vous comprend pas, qui est condamné à disparaître, qu’on ne connait qu’au début de sa vie et avec qui il est inutile de nouer des relations durables.
Vingt-sept juin mil neuf cent cinquante-trois : Impossible d’entrer dans une caisse d’épargne. La réforme monétaire se profile à l’horizon, et c’est la panique. Je voulais aller percevoir ma pension, mais je n’ai pas pu : il y avait au moins cinq mille personnes aux guichets. Les gens achètent à tout crin. Des tapis, des colliers de chevaux, des pots. Dans un magasin de pianos j’entends : « Qu’est-ce que c’est que ce bordel, je voulais acheter trois pianos, et on refuse de me les vendre ! » L’argenterie a disparu des rayons (ça c’est solide, comme devise !). Personne ne rend plus la monnaie, ni dans le métro, ni dans le tramway, ni dans les magasins. La capitale est prise de folie. On dirait que c’est la fin du monde. Impossible d’entrer au National. Toutes les tables sont occupées, les gens sont venus boire et s’empiffrer une dernière fois avec cet argent qui demain ne vaudra plus rien.
Cinq septembre mil neuf cent quarante-six : A propos de la pièce de Grossman que la Pravda assassine, Léonov me dit : « Grossman manque d’expérience. Il aurait dû mettre ses idées les plus chères dans la bouche d’un idiot, d’un crétin reconnu comme tel. Si on lui avait fait des reproches, il aurait pu dire : « Mais ce sont les paroles d’un imbécile ! »
Dix-sept mars mil neuf cent quarante-sept : La Gazette littéraire a récemment rendu compte d’une réunion d’écrivains pour enfants où je me trouvais. Voici la liste des participants telle que la donne le journal : Marchak, Mikhalkov, Barto, Kassil et d’autres. Les « autres », c’est moi.
Premier janvier mil neuf cent quarante-huit : Comme les Editions enfantines me laissent sans le sou, j’ai accepté de me montrer aux sapins de nouvel an pour compléter un peu mes fins de moi. Dire que j’ai soixante-six ans ! J’aurais pourtant bien le droit de prendre du repos. Dieu, que je hais cette vie tragique et misérable !
Douze avril mil neuf cent cinquante : Nous avons enterré aujourd’hui Adouïev. Son cercueil était couvert de fleurs. Son visage était tel qu’en lui-même – le visage du moqueur et du raté.
Nuit du premier avril mil neuf cent cinquante-deux, minuit pile : J’ai soixante-dix ans. J’ai l’âme aussi sereine qu’un mort. J’ai derrière moi cinquante années de bagne, de ratage, d’incompétence, de galère, des milliers d’échecs, d’erreurs et de faux pas. L’amour a été chiche avec moi. Je n’ai pas un ami, personne de proche. Lida s’efforce de m’aimer et croit qu’elle m’aime. Mais elle ne m’aime pas. Nicolas, qui a un naturel poétique, est plein de pitié pour moi, mais au bout de deux minutes il s’ennuie avec moi, et il a sans doute raison… Lioucha… Mais depuis quand les jeunes filles de vingt ans se plaisent-elles avec leur grand-père ? On ne trouve ça que chez Dickens et dans les mélodrames. Un grand-père, c’est quelque chose qui ne vous comprend pas, qui est condamné à disparaître, qu’on ne connait qu’au début de sa vie et avec qui il est inutile de nouer des relations durables.
Vingt-sept juin mil neuf cent cinquante-trois : Impossible d’entrer dans une caisse d’épargne. La réforme monétaire se profile à l’horizon, et c’est la panique. Je voulais aller percevoir ma pension, mais je n’ai pas pu : il y avait au moins cinq mille personnes aux guichets. Les gens achètent à tout crin. Des tapis, des colliers de chevaux, des pots. Dans un magasin de pianos j’entends : « Qu’est-ce que c’est que ce bordel, je voulais acheter trois pianos, et on refuse de me les vendre ! » L’argenterie a disparu des rayons (ça c’est solide, comme devise !). Personne ne rend plus la monnaie, ni dans le métro, ni dans le tramway, ni dans les magasins. La capitale est prise de folie. On dirait que c’est la fin du monde. Impossible d’entrer au National. Toutes les tables sont occupées, les gens sont venus boire et s’empiffrer une dernière fois avec cet argent qui demain ne vaudra plus rien.
9 mars 2021
Ce dernier jour de soleil de la semaine m’autorise à terminer sur le banc du jardin la lecture de Lettres à Alexandrine d’Emile Zola, huit cent pages publiées par Gallimard. J’y trouve un Zola plan-plan vivant bourgeoisement entre domestiques et toutous, désireux de satisfaire les désirs de sa femme, notamment en lui payant chaque année une cure en Italie, car il doit se faire pardonner sa deuxième vie avec Jeanne Rozerot, leur ancienne lingère, dont il a deux enfants, un Zola bicycliste aussi. Cela me mènerait loin si j’étais obligé de réaliser pécuniairement les conceptions humanitaires de mes œuvres, constate-t-il après avoir débouté un quémandeur, dans sa lettre du mercredi six novembre mil neuf cent un.
D’autres années, je lisais devant un parterre de jonquilles. Cette année, il n’y en a que deux ou trois. Les ravageurs de jardin sont passés par là.
*
Je sais maintenant pourquoi la tente du centre de vaccination de la place des Carmes a été démontée hier. Ce centre est remplacé par un plus grand, et plus confortable, à la Halle aux Toiles. Plus grand mais toujours manquant de doses.
*
Que le Covid soit devenu la principale infection nosocomiale alors que les soignants sont archi vêtus, super masqués et complétement hygiénisés, tend à montrer qu’en lieu clos les « gestes barrières » ne donnent pas une sécurité suffisante.
*
« Soixante-dix ans, ça me va bien ! » C’est de Philippe Delerm, dont on ne pouvait pas attendre autre chose.
D’autres années, je lisais devant un parterre de jonquilles. Cette année, il n’y en a que deux ou trois. Les ravageurs de jardin sont passés par là.
*
Je sais maintenant pourquoi la tente du centre de vaccination de la place des Carmes a été démontée hier. Ce centre est remplacé par un plus grand, et plus confortable, à la Halle aux Toiles. Plus grand mais toujours manquant de doses.
*
Que le Covid soit devenu la principale infection nosocomiale alors que les soignants sont archi vêtus, super masqués et complétement hygiénisés, tend à montrer qu’en lieu clos les « gestes barrières » ne donnent pas une sécurité suffisante.
*
« Soixante-dix ans, ça me va bien ! » C’est de Philippe Delerm, dont on ne pouvait pas attendre autre chose.
© 2014 Michel Perdrial - Design: Bureau l’Imprimante